Terrier irlandais

région Irlande
taille Environ 45 cm
poids 12,25 kg chez le mâle, 11,4 kg chez la femelle
poil Doit être dense et "fil de fer" de texture
robe Robe unicolore, rouge, froment rouge ou rouge jaune
tête Longue, exempte de rides. Crâne plat et plutôt étroit entre les oreilles. Stop à peine visible, sauf de profil
yeux De couleur foncée, petits, non proéminents et pleins de vie, de feu et d'intelligence. L’oeil jaune ou clair est un défaut grave
oreille Petites, en forme de "V", d'épaisseur modérée, bien attachées sur la tête et tombant en avant contre les joues
comportement Il a bon caractère et il est affectueux avec les hommes, mais, s'il est attaqué, il a le courage du lion et combattra jusqu'au bout
fédération Nomenclature FCI groupe 3 section 1 no 139
introduction
Rassemblés au sein du troisième groupe par la Fédération cynologique internationale, les chiens de terrier ont un dénominateur commun : la fonction de déterrage des nuisibles réfugiés dans leurs abris souterrains. Remarqués avec étonnement par les Romains envahissant la Bretagne en 55 avant notre ère, ces "petits chiens qui savent suivre leurs proies jusque dans leurs tanières" ne se verront baptisés "terrars" que plus tard. Ils coexisteront longtemps avec les griffons sous le vocable d'agasses (ou agassins). C'est le médecin de la reine d'Angleterre Elisabeth I, le docteur Keyes, qui, dans son "De Canibus Britannicus Liber" paru en 1570, les regroupe et les décrit le premier : "il y a une sorte de chien, que nous nommons terriers, car ils se glissent sous terre pour harceler et mordre le blaireau et le renard; et ils les déchirent en morceaux avec les dents, profondément sous terre, ou après les avoir tirés à la lumière1". Ces combats souterrains contre des adversaires redoutables imposaient aux terriers des qualités physiques et morales particulières qui donnent au groupe son homogénéité relative. Au physique, le type de base du terrier est médioligne, de taille plutôt réduite, possédant un poil court. La queue est écourtée (les oreilles l'étaient autrefois), mais laissée assez longue pour saisir le chien et le tirer hors du terrier. Bien sûr, ce type initial a évolué et les races constituant le groupe ont acquis des morphologies bien différentiables. Il est cependant une série de format croissant (Lakeland, Fox, Welsh, Irish, Kerry Blue, Airedale), résultant de la sélection patiente des éleveurs britanniques, qui conserve à la fois le type morphologique et le tempérament des "cabin curs" (corniauds de cabanes) de jadis. Parmi ceux-ci, l'Irish Terrier fait figure de moyenne et, proche de ses racines, illustre parfaitement les caractères du groupe. Gardien de la ferme, exterminateur de vermine, il a été sélectionné au travail pour ses caractéristiques physiques et son tempérament, mélange de témérité face à l'ennemi et de douceur vis-à-vis de ses proches. Ce chien rustique, ardent au travail et à la bagarre, a vu son type physique fixé au début du XIXe siècle, et si les standards de la race ont parfois été âprement discutés, jamais l'intégrité de ce caractère si particulier n'a été remise en question.
origines
Le Terrier irlandais ou Irish Terrier est une race de chien terrier originaire d'Irlande. À partir d'un type rustique et utilitaire, la race a été stabilisée puis sélectionnée sur des critères esthétiques. La paysannerie irlandaise, utilisatrice pragmatique de la race, a cédé le pas aux cynophiles anglais du début du XXe siècle, et l'Irish Terrier s'est progressivement détaché de ses origines. Symboliquement, l'abolition de la coupe d'oreilles, dont l'Irish Terrier fut le premier bénéficiaire, marque ce passage du chien d'utilité au chien d'agrément. Très tôt dans l'histoire de l'Irish Terrier, la race s'est scindée en deux blocs géographiques : le Royaume-Uni et l'Amérique du Nord. Suivant l'immigration irlandaise, la race, pour s'installer aux États-Unis et au Canada, a eu recours à des importations massives qui ont privé le berceau de la race de ses meilleurs sujets. Après les années fastes du début du XXe siècle, la race et les associations qui l'encadrent ont traversé une longue période de désaffection. L'Irish Terrier a pourtant des atouts qui peuvent séduire. C'est un excellent chien de compagnie, original, de format moyen, robuste et d'entretien relativement aisé. Cependant, sa susceptibilité vis-à-vis de ses congénères peut être un handicap en milieu urbain. Aujourd'hui la race reste scindée géographiquement. Les faibles effectifs européens, leur qualité moyenne, et l'isolement des sujets du Royaume-Uni pourraient être à l'origine d'une dérive du type physique de l'Irish Terrier. Le groupe nord-américain, plus étoffé, plus fidèle au standard et sélectionné dans une ambiance de compétition plus stimulante, semble plus à même de soutenir le futur de la race. Avant 1800 il n'existait pas de races de terriers séparées génétiquement. Avec de fortes différences régionales, tout chien d'utilité de bonne taille, ayant le goût de la chasse et de la lutte, ainsi qu'une bonne prise de mâchoire pouvait, pour peu qu'il sache fouir et déterrer la vermine, passer pour un terrier. Personne ne se préoccupait alors d'esthétique, et si tous les chiens d'un même comté avaient des traits communs, on doit l'attribuer à une présélection basée sur les performances de quelques individus réputés localement. Les déplacements de populations limités à la région et la fonction essentiellement domestique des terriers ne favorisaient pas les comparaisons5. Le plus probable est que la vérité se situe entre les deux théories (allogène et autochtone). Il y a eu en Irlande des lignes de chiens autochtones (Soft Coated Wheaten, Kerry Blue et Irish), tous chiens médiolignes sans apport de sang des bassets continentaux. Les vrais chasseurs entretenaient des souches et les paysans appréciaient les qualités multiples de ces chiens de toute utilité. Ce n'est que plus tard que les échanges entre provinces, les déplacements d'individus et les premières confrontations entre les différentes lignées conduisirent à des comparaisons et à des croisements, parfois hasardeux, où intervinrent parfois des races anglaises6. C'est cette situation que découvrirent les premiers amateurs qui s'intéressèrent à la race : une grande disparité au sein de laquelle se côtoyaient des lignées épargnées par les croisements et des lignées fortement mêlées de sang Scottish, Welsh et Black and Tan; des compétitions locales où primait l'aspect utilitaire du chien et où ses utilisateurs imposaient leurs jugements aux pionniers d'une cynophilie d'agrément. Mais ces esthètes passionnés allaient bientôt s'organiser pour atteindre leurs buts : produire des Irish Terriers conformes à l'image qu'ils en avaient et éliminer de la compétition les fermiers irlandais utilisateurs de la race. Au cours de l'année 1874 paraît dans le Live Stock Journal une liste des points de reconnaissance de la race et, en juillet 1875, le portrait de deux chiens appartenant au docteur Mark, supposés être des Irish Terriers. Mais leur appartenance à la race semble soulever quelques questions parmi les premiers amateurs. Parmi ceux-ci, Shaw7 commente :"Ce dessin doit être conservé comme l'exemple même de ce que la tête de l'Irish Terrier ne doit pas être. Prenons la chienne de gauche, dont j'apprends qu'il doit s'agir de la célèbre Kate : regardons la tête et la face de ce chien. Si la marque du Scottish n'y est pas imprimée, alors je n'y comprends plus rien. Regardez ces poils longs sur le front, partagés par une raie au milieu, et encore ces poils longs sur le museau et la mâchoire, et si cela n'indique pas un croisé Scottish, et à forte dose, je ne sais plus rien des points qui défi nissent un Irish Terrier". Ces deux chiens sont alors considérés, malgré leurs défauts évidents (pour Shaw), comme de purs Irish Terriers, et même comme des exemplaires représentatifs de la race. En fait, le problème que vont rencontrer les premiers amateurs va être le suivant : définir l'Irish Terrier contre les autres races en voie de reconnaissance, ou déjà reconnues et pour ce faire, éliminer les caractères pouvant rappeler celles-ci. L'Irish Terrier n'est encore qu'une ébauche qui va surtout acquérir ses caractères morphologiques par opposition avec les autres terriers8. Aussi, quand Ridgeway, dans le même Livestock Journal, explique "Les Irish Terriers sont encore inégaux. il reste à trouver, en Irlande, une lignée de terriers n'ayant pas reçu de sang étranger9", on peut se demander quel chien il a en tête. Dans le même temps, les utilisateurs de la race, paysans et chasseurs, continuent de pratiquer ce mélange de sang en définissant petit à petit le caractère de la race. "Maintenant, et bien qu'il ait été le terrier national irlandais, force est de constater que la race est restée trop longtemps entre les mêmes mains". Il s'agit bien sûr des mains de la paysannerie irlandaise. "Ils élèvent sans standard et, gardant les chiens pour le travail, s'ils pensent qu'un croisement avec le Mick du voisin arrangerait leurs affaires, alors ils ne se préoccupent pas de pédigrée, polluant ainsi la race avec des apports de sang étranger, et surtout de Scottish". Dans les années 1870, les premières classes d'irish Terriers commencent à se présenter dans les expositions canines irlandaises. Là, les amateurs esthètes et les rudes utilisateurs de la race s'opposent sur ce que doit être un Irish. Pour des raisons qui nous semblent évidentes, seules les récriminations des premiers nous sont parvenues. Mais les jugements semblent prouver que c'étaient bien les seconds qui obtenaient gain de cause, et le caractère irlandais nous laisse imaginer au prix de quelles empoignades. Shaw s'indigne, par exemple, des déconvenues de Sport, à M Jamison, selon lui l'idéal de l'Irish Terrier. "Il faut signaler que ce chien [Sport] n'a si souvent concouru que pour être à chaque fois surclassé par des corniauds qui n'auraient même pas dû être autorisés à se présenter contre lui". Et il nous décrit ainsi Stinger, vainqueur au concours de Lisburn en mai 1875 : "Dos long, pattes courtes, robe gris-bleu, pattes fauves, pieds blancs, panard et tout rempli de sang écossais". Primé malgré tout, Stinger devait posséder de solides qualités de chasseur, de ratier, de bagarreur qui, dans l'esprit des utilisateurs de la race alors majoritaires, compensaient largement ces défauts esthétiques criants. Il est probable que, de concours en cours, une sélection s'effectué sur la base des points de sélection établis par Ridgeway, sous la pression des esthètes. Les membres de la paysannerie qui avaient été attirés par la compétition furent progressivement écartés par l'organisation même des expositions et par les contraintes qu'elles imposaient9. A Dublin, en mars 1876, le gagnant, Boxer, fut engagé "éleveur, propriétaire et origines inconnus" s'indigne Shaw, tout en constatant amèrement qu'il s'agit là "d'un trait typiquement irlandais". Lors de la même compétition, Shaugraun fut présenté avec la mention suivante : "élevée par un membre de la célèbre garde de nuit de Limerick. Son pédigrée est trop long pour être rédigé, mais les personnes intéressées peuvent se présenter au poste de grade, où il est très probable qu'on le leur donnera7". Et Shaw, scandalisé, de constater qu'un éleveur irlandais peut s'avérer incapable de retrouver les origines de son chien. Alors qu'en 1875, Sport, type idéal de l'Irish Terrier selon Shaw, doit encore lutter pour faire valoir sa plaqtique face à de robustes chiens de ferme, dès 1879, les concours ne regroupent plus que des exemplaires se rapprochant de son type. Entre l'exposition de Dublin (mars 1875) et celle de Newtonards (1878), les choses ont bien changé. Lors de la première, nous dit un compte rendu, "longues pattes, courtes pattes, poils ras, poil dur, petites têtes et longs museaux, tout le monde était là". Lors de la seconde, l'œil "parcourant les rangs, n'avait plus lieu d'être offensé, la majorité des bâtards ayant disparu2". 1879 voit la naissance de l'Irish Terrier Club et l'apparition des ancêtres de la race actuelle : Killiney Boy e Erin. Les puristes ont en effet retrouvé, au sud de Dublin, dans le comté de Wicklow et à Ballymena, dans le comté d'Antrim, des souches préservées de croisements dont ils avaient besoin pour régénérer la race3. Mais le type de chien considéré alors comme le parangon de l'Irish Terrier est encore très loin de celui que nous connaissons aujourd'hui et des chiens comme Killiney Boy ou Erin ne seraient pas admis à concourir actuellement, la pureté de leurs origines restant sujette à caution. Quoi qu'il en soit ces deux chiens étaient à l'époque les modèles de l'Irish Terrier, et des documents nous permettent de voir quel aspect la race présentait à ce moment. Erin était née à Ballymena et, découverte par William Graham lors d'une exposition à Dublin, fut achetée, bien que ses origines soient inconnues. Elle était alors la meilleure chienne d'exposition et "l'exemple né de ce qu'un Irish Terrier devait être". Connue sous le nom de Vic, elle était décrite comme "débordant de qualités, avec une tête longue, une expression calme et éveillée, un poil dur et de couleur rouge, une excellent ligne et une queue haut placée7". Killiney Boy, quant à lui, eut quelques succès d'exposition, mais il reste surtout dans les annales comme un excellent étalon. D'ascendance Wesh par sa mère - un terrier noir et feu nommé Jess - sa robe était largement marquée de noir, avec notamment une large raie noire le long de l'échine. Son museau était pointu, son cou épais et court et ses oreilles coupées, comme c'était l'usage à l'époque. Seuls quelques chiens aux oreilles particulièrement petites échappaient à l'essoreillage, destiné à éviter les blessures et leur interminable cicatrisation, problème récurrent chez ce chien naturellement enclin à la bagarre. La queue était également coupée très court, pour les mêmes raisons. L'influence de ces deux chiens (Erin et Killiney Boy) fut si grande dans l'établissement de l'Irish Terrier moderne que le pédigrée de Belfast Rufus, publié en 1906, contient, sur huit générations, vingt-huit fois le nom de Killiney Boy et vingt-cinq fois celui d'Erin10. Leurs premiers descendants, Playboy, Gerald, Pagan II, Poppy, Peggy et Pretty Lass deviendront tous célèbres en exposition. Planifiés par Graham, les croisements de ces premières générations aboutirent à une lignée appelée "lignée de Breda". Certains de ses membres exhibaient encore les marques sombres de leurs ancêtres Welsh, comme en témoigne cette description : "il était parfait. Fils de Pagan II, il avait les yeux cernés de noir, un museau noir comme du charbon, mais aussi, caractéristique des chies de cette époque, les plus noires des oreilles, un trait aujourd'hui disparu et qui, dit-on, ne doit jamais réapparaître10". On le voit, la couleur de la robe n'a pas été tout de suite le point de ralliement des défenseurs de l'irish Terrier. Ayant encore fort à faire pour stabiliser la silhouette générale du chien, ils considérèrent tardivement que la robe pouvait aussi intervenir comme élément de sélection. Jusque dans les années 1880, les couleurs les plus variées étaient acceptées. Gris-bleu pour Stinger, vainqueur des années 70 et même blanc pour le gagnant de l'exposition de Belfast, Slasher, en juillet 1875, présenté comme "un Irish Terrier blanc, un magnifique chien de chasse sur terre et à l'eau3". Parmi les descedants de Killiney Boy et d'Erin, Poppy et sa lignée exprimeront avec constance cette chaude couleur rouge qui, chère au cœur des irlandais, deviendra rapidement un point de discussion entre éleveurs, jusqu'à ce que soit adoptée la robe uniformément rouge, sa teinte pouvant aller "de la couleur du maïs à celle d'une brique irlandaise toute chaude sortie du four8". Dès lors, les marques sombres, impossibles à cacher, furent rapidement éliminées. Le grand Irish Terrier de la lignée de Breda fut, dans les générations suivantes, Ch. Brickbat, chien d'exposition et étalon très demandé qui, lui aussi, participe à de nombreux pédigrées actuels. Breda Mixer, Breda Muddler perpétuèrent les qualités de la lignée tant en exposition que comme reproducteurs jusqu'au début du XXe siècle. C'est donc entre 1875 et 1880 que les amateurs fixent approximativement le type de chien qu'ils désirent voir en exposition, selon des critères essentiellement esthétiques. Considérant la ligne du chien (absence de bassétisme), la nature de son poil (court et raide) et, en dernier lieu, l'uniformité de la robe (variantes de rouge), ils définissent un type physique encore rustique et variable, proche de ses origines campagnardes et utilitaires (essoreillage, queue écourtée). Volontairement ou non, ils ont aussi sélectionné un caractère, une psychologie, qui deviendront pour la race un atout, au point de figurer en tête du standard. Entre le chien à la face pointue, au corps ramassé et aux oreilles écourtées qui fréquentait les exposition de la fin du XIXe siècle et des représentants actuels de la race, une évolution patiente aura été nécessaire, avec une étape marquante : le vote de la loi contre la coupe d'oreilles. L'anti-cropping law Pour comprendre le mouvement qui donna naissance à cette interdiction, il est bon de se replacer dans la perspective d'une époque où la coupe d'oreilles, pratique traditionnelle servant de moins en moins à son but utilitaire pouvait, à juste titre, passer pour barbare. "Cette coutume barbare est de celles que l'on verrait avec plaisir tomber en désuétude. La nature n'a rien fait en vain. Des différentes parties constituantes du corps, les unes ont un but d'utilité, les autres servent d'ornement. Ce n'est que par mauvais goût que l'on a pu penser que des mutilations ajoutaient à la beauté quoiqu'il n'en résultât aucun avantage". Ainsi s'exprimait déjà dans son Traité des Maladies des Chiens, Delaboe-Blaine11. Ne pouvant alors lutter contre cette pratique, l'auteur se borne à dispenser des conseils sur la manière de procéder et sur les erreurs à éviter. "Les jeunes chiens ne doivent pas avoir les oreilles coupées avant qu'ils n'aient atteint quatre à cinq semaines. Plus tôt, elles repoussent de nouveau et l'amputation ne peut être aussi bien dirigée que quand les oreilles sont bien développées. C'est une pratique barbare que de les arracher en tenant le chiot par les oreilles et en le faisant tournoyer. L'opération ne réussit jamais aussi bien que lorsqu'elle est réalisée avec des ciseaux, qui doivent être grands et forts. Quand un chien a les oreilles coupées, on lui ampute également une partie de la queue. Les amateurs la coupent ordinairement avec les dents, mais il serait à souhaiter que ces gens aient une plus ample dose de connaissance et d'humanité11". On voit comment les moeurs brutales de la cynophilie débutante pouvaient heurter la sensibilité des gentlemen qui s'engageaient dans ce loisir avec des âmes d'esthètes. Dès l'année 1880, le problème de la coupe d'oreilles est abordé lors de la réunion générale du Club créé. Il ne sera résolu qu'en 1889 et trois grandes étapes marqueront l'évolution des mentalités et la bonne volonté du Kennel Club sur ce point. Première étape, l'exposition de Crystal Palace, à Londres, le 2 avril 1880. Un prix y est décerné au meilleur chiot Irish Terrier à oreilles intactes. Mais ce n'est encore qu'un accessit destiné à calmer les revendications de quelques âmes sensibles. La seconde étape est franchie lorsque le Club prend, en 1887. la décision suivante : "Aucun prix. récompense ou coupe ne peut être décerné à un Irish Terrier né après le mois de juillet de cette année, s'il a les oreilles coupées". Dernière étape, enfin, en 1889 : à l'initiative du docteur Barnett, il est décidé que "tout chiot né après le 31 décembre 1889 doit avoir les oreilles intactes, faute de quoi il ne sera pas admis à concourir10,4". En l'espace d'une dizaine d'années, le petit terrier rustique et chasseur de vermine, sorti d'une cour de ferme irlandaise, aura attiré l'attention sur la cruauté de pratiques ancestrales fondées sur des critères d'utilité. En promulguant l'anti-cropping law, les cynophiles consacrent une rupture. celle qui séparera désormais les races rustiques de leurs origines et de leurs maitres d'autrefois; celle qui sépare le chien d'utilité du chien d'agrément. La question du poids et de la taille Ce point a toujours été très discuté (il l'est encore), et, là aussi, il semble que l'Irish Terrier se définisse petit à petit par opposition avec les races concurrentes. Dans son groupe de terriers anglais à poils durs, dans une gamme de format croissant du Fox à l'Airedale. L'Irish Terrier s'est glissé là où il restait une place. Les mensurations des standards de 1888 sont les mêmes que celles du standard actuel pour la taille (18 inches, 45 cm) et pour le poids (mâle 27 livres. 12,2 kg; femelle 25 livres, 11,3 kg). II s'agit pourtant le plus souvent de vœux pieux et, de tout temps, ces limites ont été dépassées. Des années 1870 à la fin des années 1890, les différences de taille et de poids étaient si importantes qu'un petit refrain courait le monde cynophile, ayant pour cible l'Irish Terrier : "It's a wonderful dog they are breeding now : small as a flea or large as a cow" (c'est un chien fantastique qu'on élève aujourd'hui, aussi petit qu'une puce, ou aussi gros qu'une vache). Il faut dire que les chiens présentés en expositions variaient alors en poids de 9 à 40 livres (4 à 18 kg)12. En 1887, l'Irish Terrier Club inscrivit au standard de la race les poids suivants : 24 livres pour un chien, 22 livres pour une chienne (respectivement 10,8 kg et 9,9 kg). Mais cette décision n'enterra pas le débat et des chiens excédant largement ces poids continuèrent à concourir, et souvent à gagner. Et la polémique de continuer entre les partisans de mensurations strictes et les tenants d'une politique plus souple. Les premiers cherchaient surtout à limiter les mensurations pour conserver à l'Irish Terrier sa place dans l'échelle des grandeurs entre le Fox et l'Airedale. Les seconds pensaient que ces limites n'étaient qu'indicatives et qu'il était dommage de disqualifier, pour quelques centimètres, ou pour une livre, un élément prometteur, tandis qu'un animal médiocre, mais standard, serait encouragé. Cette interprétation survit dans le texte même du standard irlandais aujourd'hui en vigueur, comme nous le verrons plus loin. En 1922, l'Irish Terrier Association passa une résolution selon laquelle "aucun chien de plus de 27 livres, et aucune chienne de plus de 25 livres ne sera autorisé à se présenter aux compétitions. Les propriétaires sont priés de se munir d'un certificat signé d'un vétérinaire et attestant le poids du chien". Une demande est même faite au Kennel Club pour obtenir des balances sur les rings d'exposition3. L'Irish Terrier Club, quant à lui, optera pour un solution plus souple, conservant les mêmes limites de poids. mais plutôt comme indication que comme caractère éliminatoire. L'histoire récente de l'Irish Terrier se confond avec celle de ses éleveurs. À travers l'évolution des structures d'élevage, se dessinent les hauts et les bas de la race. À travers les conflits qui agitent le monde des amateurs, se dévoilent des divergences sensibles quant à révolution de la race.
caractère
L'Irish Terrier, chien de toute utilité dès l'émergence de la race, a gardé, grâce à la vigilance de ses défenseurs, toutes ses potentialités intactes, et il n'est que de le replacer dans les conditions requises pour le voir exprimer totalement ses multiples capacités. Chasse Réputé pour son habileté à déloger les fouisseurs dans leurs terriers, l'Irish Terrier est spontanément un chasseur de vermine. Quand il chasse pour son propre compte, il laisse rarement une chance au gibier qu'il déloge. Ratier de première force, il est aussi un redoutable fourrageur, délogeant le lapin et le lièvre sans tenir compte de l'épaisseur des fourrés où ils peuvent se réfugier. En couple, l'Irish Terrier travaille méthodiquement, partageant la tâche : l'un des deux fourrage le buisson, tandis que l'autre guette la sortie du gibier. Utilisé pour une variété de gibier à poil, l'Irish Terrier était surtout reconnu pour son travail au renard et au blaireau, les logeant et les harcelant au terrier avec une hargne unanimement appréciée. "Il est fréquent de partir au renard sans avoir de chien de terrier avec soi. Simplement, quand on en a logé un, on fait chercher à la ferme la plus proche un Irish terrier, et si c'est un véritable Irish, qu'il soit dressé ou non, il fera parfaitement le travail qu'on attend de lui21". Ce témoignage met l'accent sur la spontanéité des talents de la race, pour le déterrage, sinon pour le pistage. Si son nez n'égale pas celui d'un Braque ou d'un Pointer, l'Irish Terrier tient sa place au lièvre et au lapin, et cherche et rapporte le gibier comme un honnête Retriever. Mais sa tendance naturelle à abimer le gibier, bien qu'elle puisse être aisément contrecarrée, n'en fait pas le favori des chasseurs9. Au travail au canard, il s'avère efficace, très bon chien de rapport, bon nageur, ne craignant pas l'eau, et pourvu d'un sous-poil suffisamment épais pour être protecteur10. Ces qualités de chien d'eau l'ont aussi fait employer pour chasser la loutre et le raton-laveur en Amérique du Nord. Mais son utilisation actuelle sur le terrain reste cependant anecdotique, et c'est surtout comme chien de compagnie que l'Irish terrier est aujourd'hui reconnu. Chien de compagnie Depuis toujours, la loyauté de l'Irish terrier est soulignée dans le standard comme un des traits dominants de son caractère. Gardien des fermes irlandaises, il devait voisiner avec une nombreuse marmaille et tolérer, malgré un tempérament combatif, les espiègleries, et participer aux jeux des enfants sans risque de mouvement d'humeur. C'est aussi pour contrebalancer sa réputation d'irascible (vis-à-vis de ses congénères) que le standard insiste sur ses bonnes dispositions envers l'espèce humaine. C'est en effet en présence d'autres chiens que l'Irish Terrier exprime son côté "daredevil" (casse-cou). Certains défenseurs de la race tentent de minimiser cet aspect de l'Irish terrier, prétendant qu'il "ne cherche pas plus la bagarre que les autres terriers, simplement, il y prend plus de plaisir". Cette subtile distinction ne résout en rien le problème, qui se présente à chaque confrontation avec un congénère inconnu. L'Irish Terrier se montre alors à la hauteur de sa réputation, attaquant, comme le mentionne le standard, "tête la première, sans souci des conséquences". Si les deux chiens sont de même sexe, le combat est de règle, et le plus souvent, sans préliminaires. Les mâchoires de l'Irish Terrier, associées à la surprise d'une attaque à froid, jouent le plus souvent en sa faveur. Mais s'il a le dessous lors du combat, il ne rompt pas, et supporte les conséquences de sa témérité, parfois jusqu'à la mort. Ce trait de caractère peut assurément être considéré comme négatif, si l'on considère les conditions de vie du chien en milieu urbain. La densité de la population canine, le petit nombre de zones où les animaux peuvent être promenés sans laisse, les interactions fréquentes, autant de paramètres qui présagent d'innombrables algarades. Un siècle de sélection n'a pas amoindri le mordant de l'Irish terrier. En fait, ce trait figure dans tous les standards, est encouragé par les éleveurs, et pris en compte par les juges lors de la présentation des chiens. Le comportement de "sparring" fait partie des attitudes qui expriment l'allant, la vivacité, le feu de l'Irish terrier. Les sujets dominants d'une portée sont vite repérés, et si leur type physique est prometteur, rien ne sera fait pour les décourager dans leurs comportements agressifs. Les sujets esthétiquement prometteurs, mais montrant des attitudes de soumission, sont écartés des sujets dominants et encouragés à montrer plus d'allant. Laisser un jeune chien (ou une chienne), dans une portée où il (ou elle) sera harcelé(e), ne peut que compromettre ses chances en exposition, quand bien même son esthétique serait parfaite. Outre les éleveurs et les "handlers" qui favorisent le caractère vindicatif de l'Irish Terrier, les propriétaires ne sont pas les derniers à en tirer fierté. Cependant, aux États-Unis, où la race a été aux mains d'éleveurs de sexe féminin depuis une décennie, les amateurs masculins se plaignent d'une baisse de tempérament18. Voilà peut-être un indice quant à la possibilité de socialiser l'Irish terrier, jusqu'à aujourd'hui sélectionné pour refléter les valeurs masculines traditionnelles de la culture Celte. En fait, pour un amateur ne désirant pas exposer, il est possible de réduire la susceptibilité du chien vis-à-vis de ses congénères. Mais la politique d'élevage et le jugement en exposition étant plutôt à l'opposé, il faut s'attendre, lors de l'acquisition d'un Irish terrier, à des problèmes de cohabitation qui peuvent, en milieu urbain, constituer un handicap. En élevage, le problème ne se pose pas avec autant d'acuité. la hiérarchie au chenil étant établie petit à petit, et davantage par des affrontements ritualisés. Mais les nouveaux venus doivent être introduits avec précaution. Les rencontres entre Irish terriers de sexe opposés sont généralement dénuées d'agressivité. Les saillies ne présentent pas de difficultés particulières. Dressage d'obéissance L'Irish Terrier, contrairement à d'autres races, n'a pas de prédisposition à l'obéissance. Cependant, aux États-Unis, il est couramment présenté en compétition, et, bien mené, peut aspirer aux premières places. La tendance naturelle de l'Irish Terrier est de contourner la difficulté ou de résoudre le problème à sa manière. Facilement distrait, il s'ennuie si le travail n'est pas présenté de façon attrayante. Il peut alors se buter et devenir taquin. Enfin, s'il travaille en groupe, des interférences avec les autres chiens sont à prévoir. Ces défauts sont compensés par des qualités certaines : désir de plaire, intelligence vive, intérêt pour les tâches amusantes. Un entrainement adéquat peut amener l'Irish Terrier à la compétition dans les premiers rangs. Greenbriar Fiddler, à Mrs. Griffith. remporta en 1959 l'Utility Dog Tracking, après avoir obtenu toutes les distinctions décernées par l'American Kennel Club en obéissance. Turfbreeze Barrister, à Mr. Powers, se vit attribuer, en 1961, un score de 199 points et demi (sur un total possible de 200) sur une seule compétition. Un score moyen de 196,167 sur trois compétitions fut obtenu par un autre Irish Terrier, Gloccomara Gallan, à Mr.Childers. De nombreux autres Irish Terriers ont passé les degrés décernés par l'American Kennel Club (Utility Dog, Companion Dog, Tracking Dog), incluant des épreuves d'obéissance et de pistage18. De l'avis des professionnels, l'Irish Terrier aborde les épreuves "un peu à sa façon. Il ne prête pas beaucoup d'attention à la manière dont il s'assoit, il change d'allure et dévie parfois. Mais les spectateurs adorent le regarder, et c'est le chien le plus heureux de travailler que l'on puisse voir en obéissance14".